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L’ÉCHANGE : LA GESTION DU SON À LA CRÈCHE ......zig-zaguer entre calme, musique et bruit

Dernière mise à jour : 1 mai

« on veille à parler toujours doucement aux enfants.»


A la faveur de la tranquillité d’un début d’après-midi, nous nous entretenons avec l’ensemble de l’équipe de la crèche pour les interroger sur leur gestion du son. Notre entretien démarre dans le calme, et la présence des enfants vient peu à peu chahuter nos échanges, incarnant très concrètement ce que les pros sont en train d’expliquer autour des pratiques destinées à gérer le niveau sonore.


ZM : Comment régulez-vous le niveau sonore à Zig Zag ?


Nathalie : C’est une alternance de moments de décharge et d’autres au contraire où on les invite à s’apaiser. Si on propose une session musique aux enfants, on fera ensuite en sorte de faire redescendre l’agitation. On a des outils pour réguler la tension sonore, comme les chansons douces.


Fatima : Une chanson comme Les crocodiles, on sait que ça va les faire danser, tandis que la maison ou bateau sur l’eau auront tendance à les calmer.


ZM : Quels sont les sons qui fédèrent et rassemblent les enfants ?


Bani : Il y a la chanson du rangement pour ranger les jouets tous ensemble.


Mathilde : La clochette, aussi, est un rituel pour le rangement, c’est un repère pour eux. On évite d’avoir trop de dispositifs sonores pour que ces deux sons restent des repères fixes pour eux.


ZM : Y’en a t-il qui sont problématiques, au contraire ?


Nathalie : Le bruit de la sonnerie était problématique l’année dernière, ça réactivait la séparation pour les enfants. C’est moins le cas cette année, ils y sont moins attentifs, peut-être aussi parce que la séparation se passe mieux dans l’ensemble.


Bani : Le bruit des travaux en début d’année inquiétait les enfants, surtout chez les petits qui faisaient leur adaptation.


Fatima : Les cris des enfants ou des pleurs qui mettent du temps à s’arrêter ont tendance à les agiter.


Mina : Les enfants ne sont pas tous gênés par les mêmes bruits. Certains n‘aiment pas qu’on écoute de la musique par exemple.


Nathalie : Il y a aussi des sons qui leur font peur dans les imagiers sonores.


Mina : Quand il y a des pleurs, certains vont aller chercher leur doudou et tétine pour se réconforter.


Nathalie : Il y a des enfants qui ne veulent pas qu’on aille à la chasse au tigre. C’est trop effrayant pour eux. Parfois, on leur demande de se boucher les oreilles ou de se mettre un peu plus loin. Généralement, ils sont “entre deux”, ils ont peur mais ça les intrigue quand même.


ZM : La tonalité de votre voix quand vous vous adressez aux enfants est importante ?


Nathalie : Oui, c’est un outil très important pour nous, on s’en sert pour réguler le bruit.


Bani : On veille à toujours parler doucement aux enfants, et entre nous aussi, d’ailleurs. On peut parler fermement à un enfant, lui dire non tout en gardant une tonalité basse.


Nathalie : Ne pas parler fort est une des règles importantes de la crèche. On évite aussi les discussions qui ne sont pas liées aux enfants ou au déroulement de la journée. Autrement, si on veut parler de choses personnelles, on sort à l’extérieur faire une pause, c’est important.


Mina : on a tous une façon particulière de s’adresser aux enfants.


Elikia : Dans les autres crèches où j’ai pu travailler, les professionnelles crient très souvent. Elles ne connaissent pas ces techniques pour calmer les enfants. Quand je suis arrivée ici, le changement m’a fait du bien : les chansons, parler calmement à l’enfant, c’est très important…


Lou : Dans mon ancienne crèche, ça criait tout le temps. C’était très pénible, même si on finit par s’habituer. Les professionnelles sont plus fatiguées et crient parce qu’elles n’ont pas la force de rester calmes. Ça ne fonctionne pas.


Nathalie : Et pourtant, c’est beaucoup plus simple de travailler comme on le fait ici.


Lou : Ici, les enfants sont plus calmes, l’ambiance également. Il y a moins de violence et les enfants se sentent en sécurité. Quand un enfant se fait mal, l’équipe intervient calmement, cela ne fait pas un drame. L’enfant est rassuré et la tension redescend vite. C’est important de ne pas communiquer le stress aux enfants.


Nathalie : On pense à ce qu’il se passe à l’intérieur de l’enfant. On ne résonne pas qu’en termes de pédagogie et d’activités, on prend en compte le bien-être psychique de l’enfant. Le son, l’environnement dans sa globalité est pris en compte. Et on pense aussi à l’environnement de travail des salariées. Si les professionnelles évoluent dans une bonne ambiance de travail, elles se sentiront bien accompagnées, écoutées et pourront bien accompagner les enfants. C’est un tout.


« C’est le chef d’orchestre qui se déplace »


ZM : La parole est donc régulée à Zig Zag ?


Nathalie : Oui, c’est important pour les enfants. C’est la raison pour laquelle aussi on a choisi de faire l’accueil à l’entrée de la crèche. Quand on le faisait dans l’espace principal, on s’est rendu compte que ça générait trop de bruit. Les parents discutaient entre eux, l’ambiance sonore n’était plus aussi contenue. Ça fait partie des raisons qui nous ont poussé à changer le dispositif de l’accueil.


ZM : Quels sont les effets d’un volume sonore trop élevé ?


Bani : La voix est un outil, quand un enfant crie et qu’on lui parle doucement, il va réajuster sa voix de lui-même. Une autre technique consiste à s’approcher de l’enfant pour leur dire non calmement.


Nathalie : On voit bien que trop de bruit engendre plus de conflits, ça déborde plus facilement avec des morsures ou des gestes agressifs entre enfants. Moi je travaille dans deux crèches, une où le son n’est pas contenu, et ici, à Zig Zag où il est régulé. La différence est notable. Les enfants sont très mimétiques, si on monte le ton, ils auront tendance à le faire aussi.


ZM : Comment apprendre aux enfants à canaliser leur voix ?


Nathalie : On a des jeux pour que les enfants s’entraînent à canaliser leur voix, par exemple un jeu sonore qui reproduit le bruit des pompiers. On leur apprend à faire ce bruit calmement.

La circulation des enfants dans la crèche influe aussi sur l’ambiance sonore ?


Bani : La libre circulation des enfants permet une meilleure régulation du bruit. Les enfants sont rarement tous dans la même salle et l’ambiance est mieux gérée dans ces conditions.


Nathalie : Quand ils sont tous dans le même espace, au moment du temps du bonjour par exemple, on a nos outils comme les chansons douces pour contenir l’ambiance générale. Ce matin, par exemple, on avait un enfant qui n’arrivait pas à se calmer, je lui ai demandé de sortir dans la pièce d’à côté.


ZM : Parfois il y a des moments où le bruit n’est plus supportable ?


Bani : Récemment, ça m’est arrivé, j’avais des maux de tête. À ce moment-là, j’ai demandé à Elsa si je pouvais aller avec les petits dans leur espace parce que je sais que c’est un endroit calme. On s’offre ces possibilités de relais au sein de l’équipe.


Nathalie : Les enfants ont parfois besoin de crier, de se défouler. Les sorties servent à ça aussi. Il y a des années où les enfants ressentent plus ou moins ce besoin. L’année dernière, je me souviens d’avoir dit plusieurs fois à des enfants d’attendre de sortir pour monter le ton. Cette année, c’est beaucoup moins le cas, ce qui est positif pour nous.


Mina : Je suis gênée par les bruits qui font que l’on ne distingue plus rien. Cela peut être inquiétant. C’est dans un moment où il y a un peu moins de contenance qu’une chute ou un incident peut arriver. Il suffit d’avoir un adulte assis quelque part dans l’espace pour contenir les enfants.


Nathalie : Nous utilisons la figure de la boussole. La boussole, c’est une bonne répartition des adultes dans l’espace. Quand il n’y a pas de pro à chaque endroit, on ne peut pas ouvrir toutes les portes. On doit avoir une bonne visibilité. Le “chef d’orchestre”, c’est la personne qui vérifie si la boussole fonctionne bien, si tout le monde est dans le bon espace, et garantit ainsi une ambiance calme.

Si un enfant pleure beaucoup, cela nous met d’autant plus en alerte : il est peut-être malade, par exemple. Des pleurs au milieu d’un contexte calme peuvent être interprétés, on peut en faire une lecture.


Mina : C’est le “chef d’orchestre” qui se déplace dans les espaces. Si un enfant pleure ou s’il y a besoin de faire un change, ça évite à la pro qui est dans son espace de bouger.


ZM : Quels sont les bruits qui vous plaisent ? Les bruits de bonne santé de la crèche ?


Nathalie : quand c’est calme !


Bani : quand Suzanne chante !


Fatima : Les rires des enfants !


Mathilde : Quand les grands jouent ensemble, qu’ils dialoguent entre eux, c’est très positif aussi.


Mina : Quand on écoute les enfants échanger ensemble.


Nathalie : Il y a des professionnelles des bambins qui sont venues observer récemment le fonctionnement de Zig Zag, et elles ont été impressionnées par le calme qui règne ici. Pour nous c’est un indicateur. C’est un environnement plus sain pour les enfants et pour les professionnelles aussi qui sont moins fatiguées que dans une crèche avec beaucoup d’agitation.


« Les enfants ont parfois besoin de crier »





ZM : Est-ce qu’il vous arrive souvent de mettre de la musique à la crèche ?


Fatima : C’est pas régulier mais parfois on leur propose une session musique, comme ce matin où on a dansé tous ensemble. Moi j’accorde beaucoup d’importance à ces moments de musique et de chants avec les enfants.


Nathalie : c’est une activité à part entière, ça s’invite un peu sur le moment.


ZM : Quelle différence apportent les moments de guitare avec le papa de Sélène ?


Mina : La différence avec les moments où on diffuse le son, c’est qu’il est là, il y a une présence physique, un échange. Quand il y a le temps d’éveil avec le papa de Sélène, il y a plus de créativité. Alors que quand on met les chansons, l’enjeu est plus moteur, pour se dépenser. C’est une décharge.


Nathalie : c’est plutôt un éveil musical, ça fait appel à la motricité fine.


Fatima : Il sont plus à l’écoute, plus concentrés sur ce que raconte le papa de Sélène.


Bani : Oui, ils attendent les explications, c’est beaucoup plus participatif.


ZM : Vous remarquez chez les petits une plus grande sensibilité à certains bruits ?


Nathalie : Pour les petits, le bruit des animaux est assez fascinant parce qu’ils peuvent les reproduire. C’est une façon pour eux de parler sans savoir encore parler.


Fatima: «Papa» et «Maman» sont des mots qu’ils adorent, les chants sur les parents les captivent toujours.

Les petits sont plus sensibles au bruit ?


Nathalie : Oui, ils sont plus fragilisés de manière générale par l’environnement ambiant. En début d’année, on veille à ce qu’il n’y ait pas trop de passages et de mouvements dans l’espace des petits pour mieux contenir les bruits.


Fatima : Au début de l’année, ils sont sensibles aux pleurs des autres bébés, et petit à petit ils s’y habituent.


Bani : On remarque d’ailleurs qu’ils se réveillent davantage avec les pleurs des plus grands que ceux de leur propre groupe.


A ce moment, Tilda passe devant nous en chuchotant à Adèle : “on va dans l’espace des grands”.


ZM : Le chuchotement, c’est intéressant aussi. On disait parler bas, ne pas parler fort, mais quand est-ce qu’on se met à chuchoter ?


Nathalie : Quand on veut revenir au calme ou à des sons plus bas, on chuchote. Dans certaines comptines ou chansons, on chuchote. Le changement les interpelle beaucoup.


Mina : C’est aussi un jeu.


ZM : Les petits comprennent le “chut” ?


Mina : Le geste est compris.


Nathalie : On ne peut pas trop l’utiliser chez les petits. On ne peut pas leur demander de se taire. Avec les plus grands, on demande aux enfants de parler bas lorsqu’ils entrent dans le dortoir.


Nathalie : C’est un apprentissage. On ne peut pas pour autant empêcher tous les cris. En ce moment, il y a un enfant qui n’arrive pas à parler doucement dans le dortoir, nous lui proposons donc la sieste ailleurs.


ZM : Vous avez choisi de proposer une chorale pour le spectacle de fin d’année. Vous avez en commun un véritable répertoire, que vous mettez en partage avec les enfants.


Nathalie : Chanter fédère. Quand on chante toutes ensemble, ça nous rassemble entre nous, mais aussi avec les enfants. C’est ce que l’on a choisi parce que c’est un media facile pour eux. A cet âge, on ne fait pas de grands discours : on joue avec les sons, la lumière… Il y a cette culture musicale interne qui nous rassemble, enfants et adultes. Ces chansons sont familières pour eux.


Mina : Il y a des chants qu’ils écoutent à la maison et retrouvent à la crèche. C’est aussi un lien entre la maison et la crèche.


Nathalie : On part toujours de ce que l’enfant aime. On répète davantage les chansons qu’ils apprécient. Et certaines s’effacent naturellement du répertoire parce qu’elles n’ont pas d’effet sur eux.

 
 
 

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